Comme nous l'avons vu plus haut, il est impossible d'évoquer le funiculaire de Besançon sans mentionner le nom d'Emile Picard, qui en sera le plus fervent défenseur jusqu'à sa mort en 1931.
Riche propriétaire terrien sur le plateau, Emile Picard se montre soucieux de développer ce qui n'est alors qu'un village de 297 habitants, et par là même d'exploiter les nombreux terrains qui lui appartiennent afin d'en tirer profit. Dans un courrier à la municipalité daté de 1899, signé par une quinzaine de propriétaires de Beauregard-Bregille, il suggère la nécessité d'améliorer l'accès au site.
Les arguments avancés ne manquent pas: proximité du plateau avec les nouveaux quartiers "chics", avec l'établissement thermal, casino, gare de la Mouillère, projet de construction du préventorium (actuels Salins de Bregille), proximité immédiate de la forêt de Bregille, etc.
La même année, ce dernier fait une demande de concession à la Ville pour l'établissement d'un funiculaire. Cette concession lui sera accordée, les études de faisabilité étant menées par Edmond Robert.
En décembre 1901, sur décision du Conseil municipal, il se voit accorder une subvention annuelle de 1900 francs, ce qui lui permet d'envisager le projet plus sérieusement. Début 1902, il fonde la Compagnie des Tramways électriques de Bregille (Compagnie qu'il présidra jusqu'en 1928). En février 1902, au Casino des Bains, se tient une réunion d'information auxquels sont conviés tous les propriétaires du plateau. En juin, une banque parisienne accepte de se charger de l'émission des actions de la toute nouvelle Compagnie.
C'est donc ainsi qu'est présenté publiquement le projet de funiculaire, en août 1902. Il s'agit d'un funiculaire hydraulique à crémaillère, dont la ligne mesure 286 mètres de longueur. Les wagons auront une capacité de 32 places, auquel s'ajoute un compartiment de bagages et marchandises, plus le réservoir d'eau.
L'eau nécessaire au fonctionnement du système sera fournie par un puits creusé en bas jusqu'au niveau du Doubs, refoulée par une machine à gaz (!) dans un réservoir situé 40 mètres en amont de la station supérieure. L'eau sera renvoyée à la rivière en fin de course. Les coûts de la construction sont estimés à 168 000 francs, et l'on envisage de transporter 150 000 voyageurs par an.
Jusque là, tout allait pour le mieux, mais les choses vont se compliquer, comme souvent, lorsqu'il s'agira de concrétiser ce qui n'était alors qu'un projet sur papier. Les premiers soucis (comme souvent, également) sont d'ordre financier. Pour permettre à son projet d'aboutir au plus vite, Emile Picard n'avait pas hésité, en effet, à frapper à toutes les portes. En janvier 1903, il informe la Mairie que la Compagnie des Bains, selon lui, directement intéressée par le projet, ne s'implique pas assez financièrement. Dans un autre courrier, il ira même jusqu'à accuser le président de la Compagnie pour expliquer les retards du projet... Par ailleurs, l'expropriation des certaines parcelles de terrain sur le tracé de la future ligne, pose également quelques problèmes.
Le Conseil Général du Doubs tranchera définitivement sur cette question dans sa séance du 20 août 1902, en ajournant le projet de funiculaire à une session ultérieure, demandant des études supplémentaires. Entre temps, Picard fait une demande de subvention au Conseil de 6000 fr par an, qui lui sera accordée pour la durée de la concession, c'est à dire 75 ans.
Cependant, quelque chose semble déranger les autorités publiques: bien que ce projet ait un intérêt général, il est exploité par un industriel qui compte bien en tirer profit, à raison de 3,80% par an. C'est cet argument qui motive la décision d'ajournement...
(En photo : l'extrait du registre des délibérations du Conseil général, séance du 20/08/1902)