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L'histoire du Funiculaire - Page 36

  • Le contexte historique

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    Avant d'aborder les enjeux liés à la création du funiculaire conduisant au plateau de Bregille, il est préférable de dresser un état des lieux rapide de la capitale comtoise en cette fin de dix neuvième siècle.


    Besançon, ville horlogère, compte environ 60 000 habitants. La "vieille ville espagnole" de Victor Hugo semble alors bien engagée sur la voie du progrès: l'urbanisation a dépassé les fortifications qui freinaient depuis longtemps le développement de la ville, certains remparts sont (hélas) dérasés, pour faciliter l'accès au centre. Un certain nombre d'établissements publics voient d'ailleurs le jour en dehors de la "boucle", ce qui jusqu'alors était impensable. Le premier en date est la gare de la Viotte, construite par la société P.L.M. en 1855 au sommet des glacis de Battant, dont l'emplacement est loin de faire l'unanimité. Viendront ensuite la prison de la Butte (1882), la gare de la Mouillère (1883), et enfin le complexe thermal en 1892-1893.


    Ce complexe se décompose en plusieurs éléments: établissement thermal ("Les Bains"), casino, restaurant, salle des fêtes (dite "Nouveau Théâtre"), et enfin un luxueux hôtel qui voit le jour en 1893, le Grand Hôtel des Bains. L'ensemble est construit à proximité immédiate du centre, mais en dehors de la boucle, derrière la promenade Micaud aménagée un demi-siècle plus tôt. Il semble que la proximité immédiate avec la toute nouvelle gare de la Mouillère (destinée à supplanter la gare de la Viotte...) ait été un critère décisif pour le choix de l'emplacement. En arrivant par le train, qui rappelons-le, était alors le moyen de transport le plus rapide, les curistes pouvaient donc se rendre directement sur leur lieu de séjour.


    Au delà de cette gare monumentale, signée Charles Ducat, s'élance une colline verdoyante connue sous le nom de Mont de Bregille, au sommet duquel on trouve alors un village de trois cent âmes (Bregille), ainsi qu'un fort militaire construit au début du siècle pour protéger la ville des invasions. L'affluence touristique, dès la première saison, amène à reconsidérer entièrement l'utilisation de ce patrimoine naturel exceptionnel, à quelques minutes du centre-ville, jusqu'alors réservé à l'agriculture ainsi qu'à la viticulture (sur les coteaux).
    En effet, cette colline, idéalement située, pourrait donner lieu à toutes sortes de promenades en forêt, où les curistes pourraient trouver un air de moyenne montagne, plus pur qu'en ville (Le centre ville se situe à 250 mètres d'altitude, le Mont de Bregille culmine à 425m).
    Seulement, il est très difficile de se rendre sur ce plateau. Il n'existe aucune route y conduisant à part quelques chemins caillouteux et quelques sentiers forestiers escarpés. Impossible d'enviseager leur utilisation à des fins touristiques. De plus, les automobiles et les tramways ne peuvent pas monter cette côte. Pourtant, il faudra bien envisager un moyen de transport si l'on veut construire un préventorium sur le plateau, pour compléter le complexe thermal, ainsi qu'un second hôtel, car celui des Bains (85 chambres) s'est très vite révélé sous-dimensionné.


    Curieusement, la municipalité d'alors évoque ces projets sans pour autant se soucier de relier le plateau par un moyen de transport moderne et efficace. En effet, cette initiative viendra d'un particulier, industriel et riche propriétaire terrien sur le plateau de Beauregard-Bregille, Emile Picard. Besançon avait trouvé son "Monsieur funiculaire"...

  • Le démontage du funiculaire signifie-t-il sa disparition définitive?

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    Article extrait de L'EST Républicain du 06/01/1988.

    La réparation du funiculaire, arrêté depuis le 27 mai, est estimée trop coûteuse pour être entreprise cette année. Pour que les deux cabines ne deviennent pas la proie des vandales ou des squatters, la ville les a fait démonter hier matin. Impossible de dire pour l'heure si la réparation aura lieu un jour ou si le bon vieux "funi de Bregille" a achevé, hier, à 10h52, son ultime voyage.

    Arrêté du 10 mars au 22 avril dernier pour permettre la remise à neuf du ballast et le renivellement des 385 mètres de voie, le funiculaire a cessé de fonctionner le 27 mai 1987.

    Blocage inopiné des freins
    "Les dispositifs de sécurité bloquaient de plus en plus souvent le mécanisme à la suite d'une usure qui s'était accentuée très rapidement", explique Roger Chatot, le régisseur.
    Le funiculaire est dirigé sur le rail par des roues à deux flasques. Ceux-ci se sont usés par frottement au point de devenir très minces. Ils risquaient de casser et donc de provoquer un déraillement.
    De surcroît, les roues subissaient un énorme battement latéral qui provoquait, au moindre cahot, un déclenchement du système de sécurité et le blocage inopiné des engins, notamment lors de leur croisement à la "demi-lune".
    Parmi toutes les entreprises spécialisées consultées sur le prix de la réparation, une seule a répondu: celle qui a construit le funiculaire en 1911. "Il en coûterait un million et demi de francs" pour réusiner les roues, changer les rails, revoir le système de freinage..."

    La concurrence des bus
    Le jeu en vaut-il la chandelle compte tenu du faible nombre de voyageurs qui l'empruntaient? La navette, qui transportait encore 90.000 voyageurs dans les années 60, n'en accueillait plus que 50.000 en 1977 et 25.048 en 1986. Elle subissait de plein fouet la concurrence des bus!
    "C'était, pour la plupart, des habitués. En semaine, sur trente clients, il y en avait bien vingt d'atitrés: personnes âgées, pensionnaires des Salins de Bregille", raconte André Lambert. EMbauché voici cinq ans pour piloter la machine, cet employé municipal, qui bénéficiait, hier, d'un jour de congé, n'aurait raté pour rien au monde le spectacle du démontage.

    L'ultime voyage
    Il était un petit peu ému. Sans doute a-t-il, comme M.Chatot, ressenti un pincement au coeur lorsque la grue des établissements Greset a soulevé, hier, comme fétu de paille, la première cabine en bois, désaccouplée, l'instant d'avant, de son châssis métallique par les ouvriers du service mécanique.
    Une fois l'habitacle posé sur un camion de la ville, garé près de la station inférieure, Daniel Bailly est monté par le Sentier de l'Aiguille à la station du dessus pour se mettre aux commandes de la seconde machine.
    L'ultime descente, il l'a effectuée sous l'oeil attentif de Louis Binet, chargé, à la station de contrôle, de jouer du rhéostat inverseur de marche et des divers freins, tout en surveillant le compteur de vitesse (étalonné en mètres-minute) et le "navigateur", accroché au mur, qui indique la position des wagons par rapport à la station supérieure.
    Pour ce dernier voyage, avaient également pris place, à bord, un autre employé chargé d'actionner éventuellement le frein de secours, deus photographes de la ville et deux journalistes de "L'Est Républicain"...
    Tous avaient le sentiment de vivre un grand moment... Amoureux de leur ville, ils ont éprouvé comme un arrachement lorsque la grue a soulevé la seconde cabine, entrée en gare à 10h52.
    En perdant son "funi", Besançon venait de perdre un de ses atouts touristiques.
    Les deux wagons connaîtront-ils une résurrection? Leur transfert dans garage de Montrapon n'est-il qu'un discret enterrement de seconde classe?
    Impossible de savoir si la municipalité décidera un jour de remettre en état une installation qui aurait sans doute mérité d'être classée "monument historique".
    A moins que les Bisontins et tous les amoureux du vieux Besançon ne se mobilisent massivement pour exiger de leurs élus un sauvetage rapide.
    Guy JACQUEMAIN

  • Voyage dans le temps

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    Pour information, voici un article tiré du journal local L'Eclair Comtois du 23 avril 1919, qui nous renseigne entre autres sur les difficultés rencontrées par la Compagnie du funiculaire.

    TRIBUNE PUBLIQUE

    Lettre ouverte à M. le Maire et à Messieurs les Membres du Conseil Municipal de Besançon.

    On nous communique la lettre suivante que nous insérons à titre documentaire, les personnes visées gardant naturellement le droit de réponse.

    Messieurs,
    C'est de la discussion que jaillit la lumière. J'ai assisté à la séance du Conseil Municipal du 15 avril.
    Lorsque la question du funiculaire a été abordée, j'aurais pu fournir toutes les explications utiles si on me les avait demandées.
    Comme toujours, par une tactique personnelle, un seul conseiller municipal, ayant fait partie de notre administration, chercher à "opérer" notre compagnie en tâchant de lui enlever le plus d'éléments possible, ce qui produirait une diminution de nos recettes et une augmentation de nos frais généraux.
    On veut imposer à notre Compagnie un service ininterrompu de quatorze heures par jour, que le personnel n'acceptera pas. Il faudrait alors deux équipes: celle existante actuellement et une deuxième à recruter, qui n'aura que six heures de travail par jour, malgré le roulement.
    Cette obligation entraînerait la Compagnie à une augmentation si sensible de ses frais généraux, déjà si élevés qu'elle ne pourrait la supporter, étant donné le peu de recettes, surtout en hiver. En effet, pendant au moins six mois de l'année, ses recettes sont très inférieures aux dépenses, et ce n'est qu'en bonne saison que les recettes permettent de compenser le déficit subi pendant la période de mauvais temps.
    Sans examiner à fond la question de savoir si l'obligation de quatorze heures de trafic nécessiterait pour la Compagnie un personnel double, nous pouvons affirmer que cette obligation n'a pas plus d'utilité pour le public que pour nous. Nous avons la prétention de connaître le service d'exploitation du Funiculaire par une expérience de plus de cinq années. Toutes les questions de transport ont été étudiées et le service, organisé comme il l'est actuellement est bien suffisant. Il n'y a sur le plateau qu'un nombre restreint d'habitants travaillant en ville. D'autre part, les promeneurs n'arrivent que vers deux heures.
    Le service des Ponts et Chaussées, dont dépend le Funiculaire et les tramways n'a jamais exigé le trafic, pour nous, de midi à une heure. En 1913 et 1914, nous avons marché entre midi et une heure, et neuf fois sur dix, nous n'avions pas de voyageurs.
    La Compagnie a tout intérêt à transporter le plus de voyageurs possible. Ce n'est donc pas par parti pris qu'elle ne peut accepter un service de quatorze heures sans interruption, mais elle s'élève contre des exigences que rien ne justifient et obligent la Compagnie à des frais très élevés d'employés supplémentaires, surtout actuellement.
    Si vous mainteniez vos exigences et que nous les acceptions, vous feriez tout simplement tomber l'entreprise, et cela dans quel but? Une autre compagnie ne réussirait pas mieux, elle se trouverait en face des mêmes difficultés.
    Si l'on nous enlève la subvention dont une partie déjà nous a été supprimée, et, bien que nous en profitions pas actuellement de l'augmentation des tarifs mis en vigueur par toutes les compagnies de transports, sans distinction, nous créerons néanmoins des carnets de tickets à prix réduit, rabais que nous aurions consenti pour le Préventorium, et ce, par le seul fait de l'obstruciton systématique pratiquée toujours par le même conseiller, la Compagnie ne voulant pas passer sous ses fourches caudines.
    La Municipalité nous menace de nous supprimer aussi la subvention si nous n'accordons pas 50% de rabais sur ces carnets à prix réduits au profit du Préventorium. Pourquoi les honorables membres de cette administration ne se sont-ils pas adressés directement à notre Compagnie au lieu de faire exercer une pression sur le Conseil Municipal qui, du reste, n'a pas à intervenir dans cette question.
    Alors qu'on cherche à nous supprimer une modique subvention annuelle de 1200 francs, on n'hésite pas à en voter une de 15000 pour une construction qui ne rendra pas à la population les services que rend le Funiculaire. La Compagnie n'a reculé devant aucun sacrifice pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise, malgré ses faibles ressources, sur l'initiative de son Président, elle a fait l'acquisition d'un moteur, d'un câble et d'un induit, ce nouveau matériel est destiné à remplacer celui en service, en cas d'avarie ou de réparation et éviter ainsi l'interruption du trafic.
    Il semble qu'à Besançon, loin de favoriser l'initiative privée, on l'enraye par tous les moyens possibles. Veuillez agréer, etc.

    Pour le Conseil d'Administration
    Emile PICARD